Les bombes de Méthane

Les bombes Méthanes

Les fuites de méthane sont un problème environnemental de plus en plus préoccupant, en particulier en raison de leur impact significatif sur le changement climatique. De nouveaux satellites ont permis de détecter et de répertorier les fuites de méthane à travers le monde. L'arrêt de ces émissions de méthane constitue un levier important d'atténuation des effets du changement climatique.

 

Qu'est-ce que le Méthane et pourquoi est-il important ?

Le méthane, CH4, est le deuxième contributeur le plus important aux gaz à effet de serre qui participent contribuent au changement climatique, après le dioxyde de carbone. Les principales activités humaines responsables des émissions de méthanes sont :

    L’élevage animal : la fermentation entérique qui se produit dans les estomacs des bovins émet du méthane. Pour simplifier, on peut dire que les rots (et non pas les pets) des vaches émettent du méthane. 
    La riziculture : le méthane se produit par le manque d’oxygénation dans les sols constamment immergés. 
       Les déchets : la décomposition des déchets organiques dans les décharges produit du méthane. 
       Les fossiles : dans les sites d'exploitation de gaz et de pétrole et dans les mines de charbon. 

Contrairement au dioxyde de carbone, le méthane est nettement moins abondant dans l’atmosphère. En 2020, le méthane constituait moins de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre alors que le CO2 en constituait près de 75%. Alors pourquoi est-il si important de s’intéresser aux émissions de méthane ?

Car bien que moins présent que le CO2, sa capacité à piéger la chaleur est beaucoup plus importante : son potentiel de réchauffement global est estimé être 28 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 100 ans ! Cela signifie qu’émettre 1 tonne de méthane dans l’atmosphère aura, à l’échelle d’un siècle, le même impact sur l’augmentation des températures qu’émettre 28 tonnes de CO2.

Ce chiffre triple lorsque l’on considère l’impact qu’aura l’émission d’une tonne de méthane au cours des 20 premières années suivant son émission. Et pour cause, contrairement au CO2 qui a une durée de vie moyenne de plusieurs siècles, une molécule de méthane a une durée de vie moyenne de 12 ans. Cela signifie que ce sont durant les premières années suivant l’émission d’une molécule de méthane que celle-ci contribue le plus au réchauffement climatique. Mais cela signifie aussi qu’une baisse rapide des émissions de méthane peut en quelques années atténuer les effets du changement climatique.

 

Les super émetteurs de méthane

Pour réduire nos émissions de méthane, il est nécessaire de savoir qui émet du méthane, comment et combien. En analysant la répartition des émissions de méthane à l’échelle mondiale, il apparaît clairement qu’une fraction restreinte mais influente de projets, surnommés "super-émetteurs", est à l'origine d'une grande partie de ces émissions. Ces émissions importantes émanent principalement de l'exploitation pétrolière et gazière, des décharges urbaines, et des mines de charbon. Cependant, elles ne sont pas toujours bien répertoriées dans les inventaires des émissions nationales car elles résultent souvent de dysfonctionnements ponctuels, comme le mauvais fonctionnement de torchères à gaz.

Pour cette raison, une équipe de chercheurs a développé des outils pour détecter automatiquement ces super-émissions de méthane à partir d'images satellites. En 2021, ces chercheurs ont répertorié près de 3000 projets répartis à travers le monde principalement concentrés en Asie et en Amérique du Nord.

 

Methane bombs

Cartographie des sources des super-émetteurs de méthane en 2021 selon les sources d’émission

Une étude récente met en lumière une perspective prometteuse sur la réduction des émissions de méthane : l'adoption de technologies déjà existantes pourrait les diminuer significativement. Ces technologies, qui sont non seulement efficaces mais aussi économiquement viables, représentent ainsi une opportunité majeure pour les politiques environnementales et les entreprises du secteur.

 

Le Maroc dans tout ça ?

Au Maroc, la majorité des émissions proviennent des décharges situées en périphérie de Casablanca, notamment près des villes de Médiouna et Nouaceur. Outre les enjeux environnementaux, la gestion déficiente de ces décharges urbaines soulève d'importantes préoccupations de santé publique. En effet, les décharges peuvent être à l'origine de maladies et de troubles respiratoires affectant les riverains, notamment à cause de l'incinération des déchets à ciel ouvert. En s’intéressant au profil socio-économique des personnes qui respirent cet air pollué, on peut faire émerger des questions d’inégalités environnementales. Aux Etats-Unis, la première étude sur la justice environnementale a montré en 1979 que la majorité des décharges étaient expressément localisées proche de communautés majoritairement noires et hispaniques.

Casablanca

Distribution des sources d’émission de méthane dans la province de Casablanca. La taille des points correspond à la quantité de méthane émise par chaque source.

Conclusion

Une action rapide et efficace est donc nécessaire pour réduire les émissions de méthane et limiter leur impact sur le changement climatique. Ces actions s’accompagnent de nombreux co-bénéfices : amélioration de la qualité de l’air qui permet de prévenir des centaines de milliers de décès chaque année, sécurisation de l'approvisionnement alimentaire en limitant les pertes de cultures, augmentation de la productivité en limitant les heures de travail perdues à cause des chaleurs extrêmes ainsi que la réalisation de nombreux Objectifs de Développement Durable.

 Article par Mehdi Mikou