Emissions du Maroc : benchmark international

Quelle responsabilité historique ?

Avec un total de près 50 Gt CO2eq relâchées dans l'atmosphère en 2019 dans le monde, les émissions du Maroc ne représentent que 0,18% du total des émissions mondiales (WRI-CAIT). Au-delà de la responsabilité actuelle, il est important de noter que le réchauffement climatique est un problème cumulatif dont les effets dépendent de l'ensemble des émissions passées. Selon les données du Global Carbon Project, qui a cherché à reconstituer les émissions de CO2 pour chaque pays depuis 1750, la contribution du Maroc à l'ensemble des émissions depuis 1750 est de 0,1% (fig 1).

Emissions cumulées logo

Quid des émissions par personne

Les émissions par personne se sont élevées au Maroc en 2019 à 2,5 tonnes CO2eq (tCO2eq) par individu. A titre de comparaison, les émissions par personne étaient en 2019 de 8,9 tCO2eq en Argentine, 17,6 aux Etats-Unis, 8,6 en Chine et de 1,64 en Ethiopie (WRI-CAIT, fig 2). En réalité, ces émissions par personne de 2,5 tCO2eq sont une moyenne et cachent des inégalités d'émissions assez conséquentes entre les différents niveaux de revenu. D'après le World Inequality Database, les 10 % des marocains les plus riches concentrent près de 64% des richesses du pays et les 10% les plus émetteurs ont une empreinte carbone moyenne plus de 4 fois supérieure aux émissions moyennes nationales. Comme le revenu est très corrélé aux émissions de GES, les 10% les plus riches se retrouvent majoritairement dans les 10% les plus émetteurs. Il est donc important de considérer les questions de justice sociale dans les plans de réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour ne pas faire supporter le fardeau sur les classes moyennes et à bas revenu.

 

Benchmark_citoyens

Les engagements à l'international

A la suite de la signature de l'Accord de Paris, le pays s'est engagé à travers la publication de sa "Contribution déterminée au niveau national" (CDN) à réduire ses émissions de 45,5% à l'horizon 2030. Climate Action Tracker, organisme scientifique indépendant analysant les engagements de réduction des émissions des pays, attribue la note de "presque suffisant" au pays (le classant parmi les pays les plus ambitieux en matière climatique). Cela signifie que "les politiques et engagements en matière de climat ne sont pas encore conformes à la limite de température de 1,5°C fixée par l'accord de Paris, mais pourraient l'être moyennant des améliorations modérées" (CAT-Maroc). Il est important de souligner que ces engagements sont uniquement volontaires et non contraignants et que leur réalisation est loin d'être acquise.

 

Le mot de la fin

Enfin, malgré une responsabilité actuelle et historique faibles, il est utile de rappeler que les émissions ont triplé en l'espace de 30 ans et que la poursuite de cette tendance ne serait pas soutenable. L'enjeu pour les années à venir est d'éviter de reproduire le schéma de développement initié par les pays du "Nord" (basé sur l’abondance d’énergies fossiles) et donc d'imaginer un nouveau mode de développement sobre en carbone. Le Maroc gagnerait à s’engager dans cette voie sachant que les mesures de réduction des émissions de GES (options d’atténuation) et d'adaptation peuvent contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement Durable des Nations-Unies (voir figure 8 SPM WG3 AR6).

 

 Article par Mehdi Mikou